Economie : fin de la hausse des taux … enfin
L’année 2023 aura été dominée par la lutte contre l’inflation avec une hausse continue des taux d’intérêt à court terme de la part des Banques Centrales afin de ralentir la demande par la hausse des coûts de financement.
En l’espace d’un an et demi, les taux sont ainsi passés de -0.50 % à 4.25 % à court terme en Europe et de -0.50 % à 3 % sur les taux à 10 ans allemands (indice de référence pour les obligations), ce qui constitue le choc le plus violent de l’histoire sur les taux.
Cette stratégie a fini par payer puisque les chiffres d’inflation depuis octobre marquent enfin une décrue sensible, avec une hausse des prix en dessous de 3 % en rythme annuel, tant aux Etats Unis qu’en Europe.
Depuis deux mois à peine, il est raisonnable d’anticiper que cet épisode de hausse des taux est bel et bien fini et, qu’après une phase de pause, ils pourraient effectivement baisser dès 2024.
Cette hausse des taux a eu pour effet, inévitable :
> De ralentir la croissance économique. Les grandes économies européennes sont en récession modérée (Allemagne, Pays Bas, Grande Bretagne) ou en stagnation (France).
La surprise provient des Etats-Unis où la « récession la plus attendue de l’histoire » ne s’est pas produite : le « consommateur américain », qui est le principal moteur de l’activité aux USA, s’est en effet montré très résilient en raison :
- D’une remarquable tenue du marché de l’emploi (chômage à peine en hausse), qui offre une forte sécurité sur les revenus futurs.
- D’une épargne constituée lors de la période Covid, qui a été dépensée en 2023.
- Des fortes dépenses budgétaires du gouvernement, dans une année préélectorale, au travers des plans de soutien d’activité.
> D’avoir un fort impact négatif sur le marché immobilier et le secteur du bâtiment : chutes des ventes dans le neuf de 50 %, diminution du nombre de transactions dans l’ancien (875.000 attendues en 2023, en repli de 22 %), baisse des prix résidentiels (certes non homogène, les villes du sud et les zones littorales étant résistantes) et surtout de certains actifs professionnels tels les bureaux franciliens.
L’accalmie sur les taux devrait enrayer à terme le mouvement. A noter que les sociétés immobilières cotées (foncières), qui avait baissé de 35 % en 2022, ont nettement rebondi en bourse depuis novembre (+50 % pour Unibail, +20 % pour Klépierre). Signal précurseur du marché physique ?
Deuxième économie mondiale, la Chine n’a pas connu de redémarrage post-covid, à l’inverse des pays occidentaux en 2021, et demeure engluée dans une longue crise immobilière. Elle est même confrontée à une déflation, ce qui laisse des marges de manoeuvre pour relancer l’activité : à ce jour toutefois les plans de relance chinois se font attendre.
Enfin, les fortes tensions géopolitiques, avec la multiplication des conflits et la poursuite de la montée des tensions Sino-américaines, n’ont pas eu d’impact majeur ni sur les prix des matières premières contrairement à 2022 (le pétrole par exemple est revenu globalement à son niveau pré-guerre en Ukraine) ni sur les marchés financiers globaux.
Marchés financiers : soulagement en fin d’année
Après une année 2022 qui s’est avérée la pire pour les marchés financiers depuis 90 ans avec une baisse moyenne des actions de 18 % et une chute simultanée des obligations de 16 %, 2023 marque un rebond sur l’ensemble des marchés.
- La hausse des taux a non seulement permis aux actifs de court terme et sans risque (compte sur livrets, comptes à terme…) de retrouver des rémunérations attractives mais également aux obligations de regagner en attractivité.
Les fonds obligataires ont en effet offert un excellent couple rendement/risque avec des performances comprises entre 7.5 et 12 % pour les fonds obligataires « datés » de maturité 2025 à 2027, de risque modéré (2 ou 3 sur une échelle de 1 à 7) que nous avons recommandés tout au long de l’année.
- Les marchés « actions », après un bon mois de janvier, se sont stabilisés en Europe jusqu’à fin octobre, avec un CAC 40 évoluant la plupart du temps entre 7000 et 7500 points.
Début novembre, l’indice était même tombé à 6800 points mais le changement de cap des Banques Centrales a enclenché pendant 8 semaines un rallye de fin d’année qui a amené le CAC sur le haut de la fourchette au 31 décembre, lui permettant de réaliser une performance de 16.5 % en 2023.
Aux USA, le Dow Jones gagne 13.7 % et le S&P 500 24.2 % mais avec une très forte concentration des hausses sur les « Sept magnifiques » (les GAFAM + Tesla et Nvidia). Ces quelques valeurs technologiques ont propulsé le Nasdaq de 43.4 %, sans que cela permette toutefois de rattraper la chute de 35 % en 2022.
Les sociétés plus classiques ont en revanche peu progressé alors que les petites et moyennes valeurs ainsi que les marchés émergents ont souffert.
Perspectives des marchés financiers 2024
Les marchés anticipent désormais des baisses de taux précoces (dès mars) et importantes (jusqu’à 1.5 %) ainsi qu’un atterrissage en douceur de l’économie US.
Cette conjonction potentiellement favorable de taux plus faibles et d’absence de récession ont conduit les investisseurs à retenir pour 2024 le scénario « Boucle d’or », du nom du conte pour enfants, avec une économie et une inflation ni trop fortes ni trop faibles.
Cette vision est peut-être trop optimiste puisque :
- D’une part, le calendrier de baisse des taux sera vraisemblablement décalé dans le temps et que des facteurs structurels devraient empêcher l’inflation de rebaisser bien en deçà de son niveau actuel.
- D’autre part, les indicateurs avancés montrent un net ralentissement aux USA et les perspectives de croissance globale s’établissent pour 2024 à 2 %, un niveau historiquement faible et insuffisant pour permettre aux entreprises de faire progresser leurs résultats de manière significative.
Dans ce contexte, les fonds obligataires conservent leur intérêt, de même que les produits structurés qui sont des alternatives attractives aux actions.
Sur ces dernières, la fin de la hausse des taux devrait inciter les investisseurs à ne plus se concentrer exclusivement sur les valeurs technologiques et à diversifier sur les marchés décotés (notamment les valeurs de rendement et les petites capitalisations), en mettant à profit la volatilité attendue dans un contexte encore incertain.